[COMMUNIQUÉ] Lieux de transmission : pouvons-nous remplir pleinement notre rôle sociétal au sein de la filière musique, dans le respect des protocoles et au nom du bien-être de nos participants ?
Depuis le 18 mars 2020, les écoles de musiques actuelles associatives font l’objet de fermetures administratives successives suite à une crise sanitaire sans précédent. Depuis septembre 2020, nombre d’entre elles subissent une hémorragie d’inscrits allant de 10% à 37% de perte (parfois bien plus !), sans compter les décrochages d’élèves au cours de la saison 2020-2021.
Nous tenions d’ailleurs à remercier sincèrement les adhérents et les équipes pédagogiques pour leur patience, leurs efforts et leur adaptation constante au fil des mois.
Un an après, nous constatons que :
• nous avons fait preuve d’une imagination sans limite pour nous adapter et faire face aux différents confinements, ainsi qu’aux contraintes liées à la situation,
• nos élèves/adhérents, ont été d’une grande patience et ont fait le choix, pour certains et malgré les incertitudes, de continuer à soutenir les structures, mais leur motivation commence à s’user,
• nous avons mis en place des mesures drastiques en matière de protocoles sanitaires, investi dans du matériel de protection, de désinfection etc..
• nous avons procédé à une réorganisation perpétuelle du travail dans un contexte de « stop&go » avec tout ce que cela implique pour des salariés souvent multi-employeurs (surtout les intervenants musiciens) mais aussi en matière d’énergie et d’épuisement pour les permanents et administrateurs,
• nous avons souvent dû rechercher une cohérence pour savoir de quelles directives nous relevions et trouver notre place : celles des écoles en général (Éducation Nationale) ? Celles des établissements d’enseignements artistiques (malgré que nous n’ayons pas de cursus diplômants) ? Celle des établissements de loisirs ?
Ce réel déséquilibre entre l’enseignement général et l’enseignement extra scolaire est souvent difficile à appréhender et à expliquer au vu des situations absurdes que cela crée. Par exemple, certaines structures peuvent accueillir des musiciens en formation professionnelle en toute sécurité alors que d’autres musiciens élèves/adhérents de la même structure, sous prétexte qu’ils sont dans la pratique amateur, ne peuvent suivre leurs activités selon le même protocole… (des orchestres à l’école avec 20 participants peuvent avoir lieu mais pas des cours individuels avec masques et protocoles). Sans compter nos élèves/adhérents adultes en visio depuis les vacances de la Toussaint.
De toute évidence :
• une année entière de cours individuels et collectifs en visio nous permet d’affirmer que, s’il peut permettre de se donner bonne conscience, en ayant la sensation du travail accompli, ce système n’est pas viable sur le long terme. Il est injuste car excluant de facto certains adhérents (fracture numérique, manque d’équipements ou équipements non adéquats, latence..) et crée un sentiment d’isolement chez les salarié.e.s. Enfin, il n’est pas respectueux des personnes, ni de l’investissement financier qu’elles font en adhérant à un projet associatif,
• les pratiques collectives sont à l’arrêt depuis un an, tout comme les projets collectifs fédérateurs qui sont vecteurs de partage, de formation et de rencontres musicales. Les studios de répétition pour les amateurs sont fermés et la 1ère pratique culturelle des français est mise à mal (cf étude du Ministère de la Culture : « Cinquante ans de pratiques culturelles en France », 2020). Ne pas pouvoir assurer nos activités en face à face démotive et dévitalise les élèves/adhérents, et les structures ainsi que la philosophie du jouer ensemble qui est le fondement même de la musique et de notre raison d’être,
• qu’en est-il de la pédagogie musicale dans l’installation d’un fonctionnement « tout numérique » ? Devons-nous continuer à nous préoccuper seulement de transmettre sans tenir compte du projet musical ? Devons-nous continuer à regarder disparaître, impuissants, le travail réalisé par tous en matière de projets collectifs et fédérateurs qui inscrivent plus que jamais les écoles de musiques actuelles dans les droits culturels, essentiels et nécessaires au maintien d’une vie sociétale harmonieuse ?
Nos élèves/adhérents, sont frustrés par la « catégorisation » d’accès aux activités dont ils font l’objet : mineurs/adultes ? Cursus diplômant ou pas ? Catégorie d’ERP ouvert ou fermé ?
source : questionnaire interne RIM auprès des structures relevant du champ de la transmission
Nos activités sont-elles essentielles pour la culture ?
Pour certaines personnes, les écoles de musiques actuelles associatives semblent être déconnectées de la filière culturelle alors qu’elles en sont l’un des maillons essentiels au même titre que les autres activités. Elle ne relèvent pas uniquement du loisir !
En effet, former des personnes à la musique (amateurs et professionnels), de tous âges, de tous niveaux, est un métier, une activité professionnelle, gérée par des professionnels, conscients de leurs devoirs, qui crée des emplois (musiciens, techniciens, administratifs…).
Les intervenants de nos structures sont des musiciens professionnels qui n’ont plus que cette activité, pour la plupart d’entre eux, pour survivre. Sans reprise possible, l’ensemble du système sera impacté avec un effet domino. Avant la crise Covid, notre secteur était déjà en pleine crise de modèle, généralement sans marge de manœuvre, ni réserves ( cf. étude menée par l’agence OPALE sur l’école de musique associative publiée en décembre 2016 ).
Une majorité d’élèves/adhérents vient par le «bouche-à-oreille», et reste inscrit sur une durée moyenne de 2 à 3 ans en général. La baisse de la rentrée 2020-2021 va de facto réduire le nombre de nouvelles demandes à la rentrée prochaine, encore plus si de nouvelles incertitudes sanitaires devaient s’installer à la fin de l’été. De même, les concerts d’ateliers et liens mis en place avec les territoires dans le cadre des projets collectifs sont générateurs de nouveaux inscrits sur lesquels nous ne pourrons pas compter puisqu’aucun événement n’a pu être organisé et que les gens n’ont pas pu jouer ensemble depuis un an.
Les enjeux sont multiples
Grâce aux aides de l’État et autres collectivités, nombre d’écoles de musiques actuelles associatives ont pu tenir jusqu’à présent mais rien ne nous garantit qu’elle puissent continuer ainsi sur cette fin d’année, en cas de non réouverture en présentiel (et sans couvre-feu), et encore moins sur la saison 2021-2022, qui s’annonce compliquée malgré leurs efforts pour optimiser et renforcer la diversité de leurs offres.
Nos structures sont essentielles à la vie sociale. La société a besoin d’espaces d’expression, de liberté que nos structures peuvent assurer afin de contribuer à palier les nombreux troubles psychologiques qui se répandent à travers la population.
C’est pour cette raison qu’elles doivent :
• être assurées de pouvoir sauvegarder leur continuité en accueillant à nouveau leurs publics de tous âges, en activités individuelles et collectives, dans le respect de protocoles sanitaires stricts, dès à présent mais aussi pour leur rentrée de Septembre 2021 afin de poursuivre leurs actions dans le domaine des droits culturels,
• être prises en considération par les politiques publiques et l’État dans les futures décisions en n’étant pas noyées dans la masse des activités de loisirs, mais reconnues en tant qu’acteurs de la culture,
• être accompagnées tout au long de la reprise post-Covid (logistiquement et financièrement) pour leur permettre de redonner confiance à tous les publics, au même titre que tous les acteurs culturels et sauvegarder ainsi tous les emplois nécessaires à leur fonctionnement,
• disposer d’un contexte administratif clarifié pour la rentrée de septembre en ce qui concerne les catégories d’ERP dont elles dépendent et qui ne peuvent, à elles seules, définir, la réalité et l’importance des actions menées en matière d’enseignement artistique.
Sans la prise en compte de ces problématiques et sans une possibilité immédiate pour ces structures d’agir/d’ouvrir, il est a craindre la disparition de nombreuses écoles de musiques actuelles associatives, à plus ou moins long terme.
Aussi, nous espérons que notre parole sera entendue et que nos publics nous ferons confiance à nouveau pour la prochaine rentrée. Nous comptons sur vous tous !
ILS SOUTIENNENT LA DÉMARCHE :
Ce communiqué est porté d’une voix commune par 190 structures, adhérentes du Réseau des Indépendants de la Musique.
Le Réseau des Indépendants de la Musique (RIM) est le réseau qui rassemble les acteurs de l’écosystème des musiques actuelles en Nouvelle-Aquitaine.
Répartis sur l’ensemble des 12 départements qui composent la région, ces acteurs oeuvrent dans les champs d’activités suivants : spectacle vivant, musique enregistrée, éducation, accompagnement, transmission, médias et d’autres activités en lien avec la filière musicale.
Ils sont réunis autour d’une ambition commune : créer un écosystème favorable au développement équitable, coopératif, solidaire et durable des musiques actuelles en Nouvelle-Aquitaine.
Ensemble ils ont validé un socle de valeurs partagées : la solidarité et la coopération, la démocratie, la lutte contre les discriminations, l’éducation populaire, le respect des droits culturels des personnes, le développement d’une économie solidaire et indépendante, le développement durable de l’écosystème des musiques actuelles.