[BIM !] Une radio éphémère et participative à Angoulême !

Musiques Métisses, Radio Pulsar, BeaubFM et La Nef se sont associés le temps d’une semaine pour la création d’une radio éphémère, ouverte non seulement à la culture mais aussi aux étudiants et aux acteurs locaux de l’économie sociale et solidaire. La bien nommée BIM ! a  vu défiler à ses micros différents acteurs du territoire sur des thématiques de leurs choix, du 21 au 26 mai !

>> Écouter les podcasts ici !

BIM c’est quoi?

« Mettre un peu de bazar dans vos voitures, casques… à base de musiques actuelles, d’infos étudiantes, d’économie sociale et solidaire. BIM une expérimentation pendant une semaine sur la capacité à fédérer, à s’exprimer, laisser libre cours à l’improvisation. Une semaine pour pouvoir se planter, avoir la chance d’essayer. »

L’objectif?

Créer une radio associative basée à Angoulême, qui serait le reflet du dynamisme local. Une belle aventure, qui répond à l’envie d’avoir une radio qui ressemble aux acteurs et qui ferait la promotion des artistes locaux, des courants émergents des musiques actuelles nationales et internationales, et qui parlerait de l’actualité culturelle qui anime le territoire mais aussi des actions locales en lien avec le monde étudiant et l’économie sociale et solidaire.

Ce nouveau média fera également la part belle au monde de l’image.

Retrouvez toutes les émissions en podcast ici.

C’est une affaire à suivre de très près…

Envie de vous exprimer ?

C’est possible (et fortement recommandé), il vous suffit de prendre un peu de votre temps pour remplir ce petit sondage en ligne, merci de vos retours !

[INTW] Laborie Jazz, lauréat des appels à projets 2017

En 2017, trois appels à projets ont été lancés dans le cadre du Contrat de Filière Musiques Actuelles et Variétés en Nouvelle-Aquitaine : « développement des coopérations professionnelles », « soutien aux labels structurants », « développement numérique et nouveaux usages ».

Quelques mois après leur sélection, nous nous sommes interrogés : que sont devenus les projets lauréats? Où en sont-ils de leur déploiement?

Nous sommes allés à la rencontre de Jean-Michel Leygonie, directeur du label Laborie Jazz, dans leurs locaux de Limoges.

L’occasion de revenir sur la genèse du label, et de faire un point sur les deux projets lauréats des appels à projets « développement numérique et nouveaux usages » et « soutien aux labels structurants ».

 

 

 

RIM : Bonjour Jean-Michel. Avant toute chose, pouvons-nous revenir sur l’histoire du label Laborie Jazz ?

Le label Laborie a été officiellement créé en avril 2006. Il existait, auparavant, en région Limousin, une fondation qui s’appelait « La Fondation Laborie en Limousin ». Dans cette fondation, une activité musicale reposant sur la musique baroque existait depuis de nombreuses années, avec l’ensemble baroque de Limoges, qui faisait partie du schéma directeur du Ministère de la Culture sur les ensembles classiques et baroques nationaux. À la suite des années Lang, il y a eu un système d’aides mis en place pour ces grands ensembles et la Région Limousin a été aidée et soutenue par le Ministère pour la création d’un ensemble baroque en Limousin, qui a alors été fléché financièrement.

Un lieu avait fait l’objet d’une acquisition en 1996, Laborie en Limousin, à 10km de Limoges. Assez rapidement, la structure associative qui portait cet ensemble a souhaité s’ouvrir à d’autres répertoires musicaux. J’étais personnellement identifié dans la région sur le jazz, ayant dirigé le festival Jazz en Limousin de 1989 à 1996. La présidence et la direction de ce lieu ont fait appel à moi pour le volet jazz, chose que j’ai acceptée en 2002. Nous avons simplement copié à l’époque ce qui se faisait dans le champ baroque.

En 2006, nous avons décidé de créer un label discographique à deux départements : Laborie Classique et Laborie Jazz. Laborie Classique était dirigé artistiquement par le chef d’orchestre de l’ensemble baroque de Limoges, Christophe Coin. Pour la partie Jazz, j’ai porté un projet qui reposait uniquement sur la signature de jeunes compositeurs français ou internationaux. On excluait déjà du projet tout ce qui relevait du domaine de l’interprétation. Naïve, notre distributeur, n’avait à l’époque que ses propres productions jazz, et a rapidement cherché à miser sur un label français qui rentrait sur le marché.

Entre 2006 et 2015, le label s’est clairement identifié au niveau européen et même international, par l’obtention de récompenses et de prix, notamment aux Victoires de la Musique, aux Django D’Or, plusieurs récompenses à l’académie Charles Cros. On a très rapidement obtenu un focus sur des artistes comme Yaron Herman, Emilien Parisien et Anne Paceo. Ils avaient à l’époque entre 20 et 25 ans, ils en ont aujourd’hui 10 de plus. Ils sont porteurs de tout un tas de jeunes artistes qui s’engouffrent dans leur mode de carrière. On a franchi différentes étapes avec eux, et lorsque le label s’est arrêté, ces artistes ont continué à me faire confiance et ont attendu quelques mois le temps qu’on remette une structuration en place autour du projet.

Je suis désormais président et directeur du label à 100%, devenu, depuis, une SAS.

Laborie Jazz sortira le mois prochain son 50e album. Jusqu’au mois d’avril, nous ne ferons que des productions, pour ensuite commencer à faire des licences. Le label a porté intégralement les coûts de production des 50 albums, même à l’époque de la fondation Laborie. J’ai pu développer l’activité par les sociétés civiles du secteur (ADAMI, SPEDIDAM, FCM, MFA…) et par les ventes d’album. Je bénéficiais de certains avantages, notamment celui de disposer d’un lieu pour l’organisation des concerts, mais l’activité du label n’a bénéficié à l’époque d’aucun financement du Ministère ou de la Région.

Depuis 2016 et la fusion des régions, nous nous sommes rendus compte que des dispositifs existaient sur le territoire, notamment ceux liés aux labels phonographiques. J’ai pu rencontrer Frédéric Vilcocq (Conseiller Culture et Économie Créative à la Région Nouvelle-Aquitaine) concernant ces dispositifs et les programmes ont pu s’enchaîner. D’abord l’aide à l’édition phonographique, puis, par le biais de l’adhésion au RIM (Réseau des Indépendants de la Musique), les deux appels à projets qui font l’objet de cette discussion.

2017 fut une période de sortie d’actionnariat, même si 4 albums ont vu le jour. Cette année on est sur un grosse dizaine de sorties et, concrètement, on n’a pas le choix si on veut survivre aux 3 années qui viennent : le temps que le streaming se structure pour financer les artistes et les professionnels du secteur, et éviter que les majors ne cannibalisent le secteur.

Peux-tu nous expliquer ta démarche et les actions en cours concernant l’appel à projets « Numérique et nouveaux usages » ?

Avant tout, il faut savoir que nous sommes aujourd’hui distribués dans 16 pays.

Il y a 4 ou 5 ans, j’ai souhaité réfléchir à l’élaboration d’un partenariat en Chine. J’ai sollicité une collaboratrice chinoise qui vit actuellement au Canada, et qui a deux sociétés : une liée au jazz et à la production, et l’autre à l’événementiel politique en Chine pour le Canada. Elle est depuis un certain nombre d’années très intéressée par notre activité et la qualité de nos productions et de nos artistes.

L’an dernier, nous avons été le premier label indépendant français à signer un accord de distribution physique et numérique avec la Chine, avec une société qui s’appelle Starsing Music, l’un des premiers opérateurs chinois de distribution musicale.

Aujourd’hui, notre outil de communication principal est notre site internet. On y trouve toutes les informations concernant nos artistes, le label, les supports médias, l’accès à l’achat des disques, les téléchargements, etc. C’est un site qu’on a sorti au début de l’année 2016 et qu’on a soigné.

Très rapidement, il y avait une incohérence entre la présence du label à l’export et le fait que ce site ne soit qu’en français. Le volume d’informations du site rendait complexe le fait de le traduire intégralement. On avait commencé un travail avec un stagiaire trilingue, mais on a mis ça de côté en gardant à l’esprit que ça restait un de nos gros chantiers.

Dans le même temps, notre intégration au marché chinois a avancé. J’ai pu aller en Chine en 2016 pour voir comment ça se passait sur place. Ça n’était pas ma première fois sur le territoire chinois, mais j’ai été vraiment surpris par l’avance qu’ils ont sur la France concernant les moyens d’écoute, le lien entre musique et smartphone, leur approche du streaming… Pour moi nous sommes encore bien loin derrière eux.

On pourrait se demander pourquoi si peu de labels occidentaux ont signé un contrat de distribution avec la Chine, mais la raison est assez simple : parce-que les catalogues trop conséquents sont négociés sur des centaines de milliers d’euros. Laborie a 50 albums au catalogue, 7 actuellement distribués physiquement. On ne représente donc pas grand chose, mais ça nous permet de grandement faciliter les négociations.

Il me semble essentiel aujourd’hui que notre espace français puisse être accessible au public chinois, et donc, entièrement traduit.

Dès la remise de l’appel à projets à l’automne, on s’est mis sur la traduction du site en anglais. Il est donc entièrement bilingue depuis début février. Toutes les actualités sont traduites, et dès début avril, l’intégralité du site sera également accessible en chinois.

Pour les années à venir, l’objectif est aussi de mettre nos supports en traduction chinoise. Aujourd’hui, on jouit de la distribution numérique et bientôt physique de tous nos supports, et comme le veut le principe de la manufacture chinoise, les supports sont directement fabriqués là-bas.

Dans cette logique d’échange, un artiste du label partira en tournée en Chine tous les 6 mois. Actuellement, on prépare celle de Paul Lay, qui se produira sur plusieurs semaines au mois de mai. Très rapidement, quand nous avons évoqué l’évolution et l’explosion du marché chinois, nous avons saisi la chance de gagner énormément de temps, notamment dans le dialogue et les négociations. On a mené un gros chantier sur la mise en place des dates et les conditions, notamment financières, qui sont souvent un peu faibles là-bas. On tente donc d’amener l’éthique du marché musical français. Sans le binôme avec un acteur local, on aurait eu énormément de mal à obtenir nos conditions. Au-delà de la distribution, c’est donc une aubaine de pouvoir profiter d’une présence sur le territoire pour représenter le label.

Par ailleurs, nous avons aussi pour ambition de repérer dès que possible un ou une jeune artiste sur le territoire chinois pour le/la signer sur le label. Forcément, ça sortira avant tout en Chine, mais l’objectif est avant tout de conserver l’identité du label, fondée sur la découverte.

Peux-tu nous expliquer ta démarche et les actions en cours concernant l’appel à projets « labels structurants » ?

J’ai toujours eu en tête de pouvoir soutenir les jeunes compositeurs de ma région. La particularité du Limousin est qu’il est pauvre en jeunes compositeurs Jazz et musiques improvisées. Ça s’explique par le fait que le conservatoire régional ne comporte pas de département jazz. Tout va avec depuis 15 ans malheureusement. Les régions qui ne sont pas rentrées dans le virage des départements jazz au conservatoire sont dans un état de désert complet.

Laborie a pu signer deux artistes compositeurs locaux. L’un s’appelle Vincent Mondy, un clarinettiste limougeaud et un autre qui est un accordéoniste de Brive. Deux albums dont nous sommes très fiers sont parus sur le label. Ça démontre tout de même le peu de signatures que nous avons pu concrétiser en 10 ans. L’ouverture sur la Nouvelle-Aquitaine fait que je m’ouvre aussi à un territoire beaucoup plus vaste et dans lequel il y a plein d’acteurs. Le fait que Laborie puisse être aujourd’hui en résonance avec sa région nous offre l’opportunité de repérer et concrétiser des projets avec des artistes locaux.

On vient également de signer une jeune saxophoniste de Limoges qui s’appelle Silvia Ribeiro Ferreira, et dont le disque sort au mois de septembre, et un jeune guitariste que l’on a enregistré en décembre, qui est originaire d’Oloron… On redémarre une action très active vis-à-vis de ces musiciens régionaux, et ils sont persuadés, tout comme nous, que le label peut être un vrai tremplin dans leur jeune carrière.

On commence à organiser des concerts pour ces artistes-là. Comme les agences de booking sont surchargées et qu’on ne peut pas se permettre de risquer un quelconque accord avec l’une d’entre elles, on a monté un département « spectacle vivant » en 2018.

L’ouverture sur la Nouvelle-Aquitaine a-t-elle permis de favoriser des rapprochements avec des structures culturelles ?

Oui c’est le cas. Nous avons monté un partenariat avec Action Jazz qui nous paraissait naturel compte-tenu de leur activité et de leur implication sur le territoire.

Aussi naturellement s’est illustrée une collaboration avec le Rocher de Palmer. J’avais côtoyé Patrick Duval au moment de Musiques de Nuit en 1996. Même s’il me connaissait depuis un moment, nous aurions eu du mal à trouver une entente sur le long terme. Aujourd’hui, on n’a pas poussé la chose jusqu’à envisager un partenariat systématique, mais Palmer recevra nos artistes très régulièrement. Ça fait 3 fois que l’opération a lieu, et même si le système demande à être peaufiné, nous en sommes très heureux.

Nous collaborons aussi avec l’OARA. J’avais rencontré Joël Brouch il y a 3 ou 4 ans, dans un contexte lié au centre culturel de Brive. Dans la foulée, il nous a accueilli pour discuter de nos projets. Aujourd’hui ça débouche sur deux semaines de résidence au mois de mars. Deux artistes y seront présentes, Silvia Ribeiro Ferreira et Anne Paceo.

À l’inverse de beaucoup de limousins qui se demandent aujourd’hui à quelle sauce ils vont être mangés, l’ouverture sur la Nouvelle-Aquitaine a été une vraie bouffée d’oxygène pour nous. Jusqu’à la période de la fusion des régions, je me suis interdit de prendre du temps pour regarder plus loin que l’activité stricte du label. Mais quand on partage un territoire, et des axes de travail communs avec des partenaires, la région en étant un important, il m’est apparu évident et naturel le fait de tisser du lien professionnel fort.

La Nouvelle-Aquitaine a facilité notre dialogue avec les instances publiques et nous a déjà ouvert de nombreuses portes, et continuera de nous en ouvrir j’en suis sûr.

[ITW CROISÉE] Le Confort Moderne : 8500 m² // 4 équipes // 1000 projets

Ré-ouvert fin 2017 après deux ans de travaux, le Confort Moderne (Poitiers) accueillera en mai prochain, dans ses 8500m² entièrement réhabilités, l’assemblée Générale du RIM – Réseau des Indépendants de la Musique.

L’occasion pour le réseau des acteurs musiques actuelles en Nouvelle-Aquitaine de revenir sur Retour sur l’histoire de ce lieu mythique, friche artistique pionnière, qui rassemble aujourd’hui sous un même toit quatre structures en coopération : l’Oreille est Hardie et Jazz à Poitiers (toutes deux adhérentes du RIM), le disquaire indépendant Transat et la Fanzinothèque. Art, musique, fanzine, éducation et recherche investissent une salle de concert, un club, un bar, des locaux de répétitions, un restaurant, des espaces de résidence, une fanzinothèque et une boutique de disques.

Ces équipes passionnées font naître ensemble des projets en commun. Interview croisée.

De droite à gauche : Yann Chevallier / Directeur de L’Oreille est Hardie
Mathilde Coupeau / Directrice de Jazz à Poitiers
Lionel Bouet / Gérant de Transat
Virginie Lyobard / Directrice de la Fanzinothèque

RIM : Pouvez vous nous présenter vos structures, réunies toutes les 4 au Confort Moderne?

Mathilde : Jazz à Poitiers a 21 ans. C’est une SMAC (Scène de Musiques Actuelles) spécialisée dans le jazz & les musiques improvisées avec un gros volet de diffusion (environ 40 dates par saison et le festival Bruisme juste avant l’été), un volet accompagnement (accueil en résidences essentiellement) et des actions de médiation qui commencent à se développer. On est une petite équipe de quatre salariés.

Virginie  : La Fanzinothèque existe depuis 1989 et a pour vocation de conserver et valoriser des livres micro-édités : 55000 ouvrages à ce jour. C’est vraiment le cœur du projet, et on organise également des événements à travers des expositions ou des interventions type atelier de micro-édition collective. Enfin on produit également des fanzines ou d’autres types de supports via un atelier de sérigraphie, une imprimante Riso ou de l’impression numérique.

Lionel : Transat, disquaire indépendant, est implanté au Confort Moderne depuis 17 ans.

Yann : L’association l’Oreille est Hardie a été crée en 1977 et elle est active sur cette friche artistique depuis 1985. Elle compte 16 salariés avec le développement d’une double activité musiques actuelles et art contemporain.

Espace d’exposition ©Pierre Antoine – Exposition Tainted Love (16 décembre – 04 mars 2018)

RIM : Quels sont les liens historiques qui vous amènent aujourd’hui à vivre à quatre structures dans le même lieu ?

Mathilde : Le premier lien de connexion entre Jazz à Poitiers et l’équipe de l’Oreille est Hardie c’est avant tout des accointances d’ordre artistique. Les deux projets artistiques défendus par chacune des associations sont extrêmement complémentaires avec des passerelles très évidentes. Progressivement, les équipes ont donc été amenées à travailler régulièrement ensemble, notamment sous forme de coproductions. L’idée de cohabiter et partager un même équipement a germé depuis maintenant pas mal d’années, mais assez rapidement les limites du Confort Moderne dans son ancienne configuration ont fait que ça n’a pas pu aboutir. Ces réflexions ont repris quand le projet de réhabilitation du Confort a émergé puis est devenu vraiment concret. C’est donc un rapprochement qui a été très naturel et de longue date. Ce sont de vraies histoires de personnes également.

Lionel : Très naturel, c’est aussi le terme que je vais employer. La boutique de disques existe depuis 1987 au sein du Confort Moderne. Cela a d’ailleurs créé une émulation un peu partout et a servi de fanal à pas mal de SMACs des environs pour avoir elles aussi un disquaire. Moi je n’ai fait que reprendre cette idée et le lieu !

Yann : Il y a effectivement des rapprochements naturels de projets. Ensuite il y a une histoire liée au site : un lieu qui, naturellement, est amené à être activé par plusieurs personnes et structures, un peu comme un dispositif avec différentes portes d’entrée. Finalement il y a eu naturellement l’installation de ces portes d’entrée comme Transat ou la Fanzinothèque qui, elle aussi, a toujours mené ses activités ici. Jazz à Poitiers a, par le passé, déjà produit ici, notamment le festival Bruisme. Donc il y a historiquement un lieu qui se prête au partage d’espace et de projet.

Mathilde : On va dire qu’à la différence de Jazz à Poitiers, la Fanzinothèque et Transat sont des habitants historiques du Confort Moderne et étaient déjà présents dans les murs avant la réhabilitation tout comme l’Oreille est Hardie.

©Pierre Antoine

RIM : Comment avez vous pensé, dès la conception, et avant même les travaux, votre nouvelle vie à quatre structures dans ce lieu ?

Yann : Tout d’abord, c’est parti du projet avec l’idée de ne pas trop sectoriser l’espace en actant par exemple que tel espace sera dédié à telle pratique donc à tels acteurs donc à telle association. Le principe est plutôt de partir du territoire le plus ouvert possible, donc le site du Confort Moderne dans sa globalité, et voir ensuite comment on allait pouvoir le partager projet par projet. Partant de la possibilité la plus ouverte possible, on voit ensuite comment les usages vont eux aussi créer les manières de travailler ensemble.

Ensuite, il y a deux histoires un peu différentes, du fait que Jazz à Poitiers n’habitait pas le lieu auparavant. Pour les trois autres structures c’est vraiment naturel car on a toujours habité ici. Même si on ne travaillait pas forcément autant ensemble, la manière de partager un espace commun était plus évidente. Ce qui a vraiment changé avec la réhabilitation, c’est la volonté d’activer le lieu ensemble : c’est une force supplémentaire d’afficher que le lieu est activé conjointement par ces quatre structures plutôt que par des projets qui seraient uniquement en superposition les uns avec les autres.

RIM : Mathilde est ce que tu veux compléter avec justement cette spécificité en tant que structure précédemment « sans lieu » ?

Mathilde : On n’était pas vraiment sans lieu puisqu’on était historiquement attaché à la salle Carré Bleu, même si on n’y avait pas nos bureaux. Effectivement, ça change un petit peu nos pratiques car on est maintenant habitant « légitime » d’un lieu, là où auparavant on était sur une logique de mise à disposition, même si on s’y sentait comme chez nous ! On apprend donc en vivant ici désormais depuis quelques mois.

Pour nous (les 4 structures), ce qui est le plus important, c’est ce qu’on est en train de co-construire à l’intérieur de ça : comment on vit et travaille ensemble tout en conservant de façon très affirmée et très saine nos identités propres. Cela se traduit notamment par le choix d’avoir nos structures juridiques propres et donc une autonomie financière et administrative. De l’autre côté, ça inclut aussi le fait de se servir de l’entrée projet pour réussir, comme l’a dit Yann, à faire encore mieux ensemble et ne pas se contenter d’une simple somme d’actions. Le but est de toujours se poser la question de comment ces actions mises côte à côte, voir ensemble, peuvent permettre de voir plus loin et produire des choses cohérentes et chouettes !

RIM : Lionel, peut être qu’on peut faire un petit focus sur l’évolution de ton statut puisque tu portes désormais d’autres missions en plus de la gestion de ta boutique.

Lionel : C’est une évolution constante qui a été pensée avec l’Oreille est Hardie et la Fanzinothèque justement. Ça a commencé par une petite parenthèse enchantée, justement pendant les travaux, où on a trouvé un lieu à habiter hors-les-murs qui regroupait Transat, la Fanzinothèque et la billetterie de l’Oreille est Hardie. Aujourd’hui je suis donc à la fois disquaire mais aussi salarié de l’Oreille est Hardie en charge de l’accueil et de la billetterie. C’est de la polyactivité, mais il fallait dans le projet une sorte d’épicentre à l’emplacement de la boutique pour pouvoir ensuite naturellement baguenauder dans le lieu. Le but est que le public puisse trouver un accueil naturel, ce qui n’était pas toujours évident dans l’ancienne configuration ne serait-ce que pour pouvoir accéder à la billetterie !

Yann : Je crois qu’il y a ici une question d’identité; celle d’assumer une identité multiple. Pendant longtemps ça ne l’a pas été alors que ça existait. On sait par exemple historiquement que la Fanzinothèque et Transat sont pour les gens un marqueur important de l’identité globale du Confort Moderne en tant que lieu. Désormais c’est vraiment posé et affiché.
J’ajouterais aussi que dès les études de programmation architecturale il y a eu des dialogues avec l’ensemble des structures pour recueillir les besoins de chacune d’entre elles.

Virginie : Moi je n’étais pas là avant les travaux ! Mais l’idée pour nous c’était d’avoir un espace beaucoup plus grand, plus visible, mais aussi un espace où l’on puisse mieux valoriser nos expositions puisque même si aucun des espaces du lieu n’est spécifiquement pensé pour un type de programmation ou une association, c’était important pour la Fanzinothèque de pouvoir mettre en œuvre facilement ce type de propositions. Par rapport à ce cahier des charges initial, la réponse architecturale est super !

La Fanzinothèque

RIM : Après seulement trois petits mois d’ouverture, quelles forces tirez-vous de cette proximité renforcée ? Ressentez vous des difficultés dans ces processus de coopération ?

Yann : Je pense que c’est sans doute beaucoup trop tôt pour faire un bilan. Il y a juste quelques grandes lignes qui ressortent. On a quand même beaucoup travaillé en amont pour poser une organisation du site, un portage des responsabilités, ainsi que des processus de décision où chacun trouve une place avec une méthodologie adaptée. Ce qui a été le plus compliqué ce sont les atavismes ! Nos structures sont issues d’histoires très différentes, et donc, le plus compliqué c’est la résistance au changement.

Virginie : Tout ceci est une histoire de déplacements… Effectivement, impulser un déplacement dans des projets qui ont des existences de plusieurs dizaines d’années, ce n’est pas la même chose que d’avoir un projet tout nouveau où l’on peut s’affranchir de l’historique. Personnellement je trouve hyper important qu’il y ait ce projet augmenté entre les structures. On y arrive petit à petit mais forcément les choses ne se déplacent pas toujours de manière ultra aisée !

Yann : Les premiers effets sont très simples, il suffit de regarder le calendrier et le nombre d’événements qui se sont déroulés depuis l’ouverture, ainsi que leur diversité, qu’on prenne une entrée esthétique ou formelle. Le bonus est clairement lisible dans le programme !

©Benoît Faure

RIM : Vous avez réalisé un bel exemple d’événement commun avec « Encore ! », journée de réouverture du lieu, où l’ensemble du site était investi par des propositions artistiques très diverses. Est ce que vous avez pour les mois à venir d’autres projets collectifs et transversaux ?

Yann : J’entrevois clairement, dès 2019, un événement à l’échelle du site. Et la réflexion autour d’un événement de ce type ne peut s’envisager sans dialogue entre l’ensemble des habitants du lieu.

Virginie : Sur des événements plus petits ce sont déjà des choses vers lesquelles on tend avec les différents curateurs, peut-être même plus que la journée d’ouverture, puisque même si nous y avons effectivement proposé des choses ensemble, nous n’avons pas vraiment réfléchi au sens commun des différentes propositions artistiques présentées. Alors qu’aujourd’hui, sur des propositions qui ne sont pas forcément de l’ordre d’un festival – même si ce type d’événement fédérateur est important – on va vraiment essayer d’aller voir ce que chacun peut apporter et aboutir à une proposition qui soit vraiment pensée ensemble.

Mathilde : Il y a déjà eu des choses effectivement dans les 3 mois passés. On est sur des échelles très différentes qu’« Encore ! », mais la volonté et la démarche restent les mêmes. Ce sont des choses qui se poursuivront dès le prochain trimestre.

Lionel : La transversalité, Transat la vit au quotidien. Comme la boutique sert également d’accueil en étant ouverte tous les jours de la semaine, je suis là aussi pour créer ce premier contact avec les gens aussi bien pour les diriger vers les expositions d’art contemporain, la Fanzinothèque ou les programmations musicales que je suis en mesure de leur expliciter.

 

RIM : Vous accueillerez l’AG du RIM les 15 et 16 mai. Qu’est ce que cela représente pour vous ?

Yann : Déjà, c’est un réseau très important et novateur à l’échelle d’une région qui est désormais immense. Unique par bien des aspects avec par exemple la signature du premier Contrat de Filière Musiques Actuelles & Variétés en France. On a beaucoup participé, que ce soit l’Oreille est Hardie ou Jazz à Poitiers, au réseau pré-existant qu’était le PRMA Poitou-Charentes et on a ensuite été proactifs lors de la création du RIM. Et enfin, on a désormais un espace qui nous permet de recevoir ce type d’événement avec ce qu’on peut offrir en terme de capacité et qualité d’accueil. C’est donc un grand plaisir de recevoir le réseau, mais aussi de montrer notre lieu, puisque finalement c’est encore très récent. On est très content de présenter celui-ci afin d’avoir des regards d’autres professionnels de notre secteur !

Daniel Rodriguez, directeur de la Locomotive (Tarnos) lors de la 1ère AG du RIM ©Mathieu Prat

Assemblée Générale du Réseau des Indépendants de la Musique (RIM) Nouvelle-Aquitaine ©Mathieu Prat

RIM : Vous accueillerez également le prochain congrès du SMA les 18 & 19 septembre !

Mathilde : La démarche et l’envie exprimées par Yann pour l’accueil de l’AG du RIM sont à peu près transposables. L’envie d’accueillir, c’est ce qui nous lie ici, donc pourquoi pas accueillir aussi des professionnels. On le fait donc en s’appuyant sur les réseaux dont on fait partie et qui sont structurants pour la filière musicale.