Le projet « Va Sampler Ta Grand-Mère » est un projet pédagogique et artistique porté par Hart Brut + Pagans, structure situé à Lucq-de-Béarn (64). Pour tout comprendre, rien de tel que de donner la parole à l’un de ses protagonistes. Le RIM a donc posé quelques questions à Romain Baudoin, membre d’Hart Brut, du groupe Artús et acteur de ce projet original.
Bonjour Romain, pour commencer peux-tu nous présenter les deux structures dont tu t’occupes, Hart Brut et Pagans?
Hart Brut est à la base une structure de production artistique permettant aux membres d’ARTÚS de développer leurs projets . Depuis peu, Hart Brut a intégré les filles de COCANHA et on peut considérer aujourd’hui que nous avons un fonctionnement de compagnie plus que de boite de prod. Nous sommes organisés et solidaires, c’est ce qui nous permet de créer et de vivre tout en ayant des pratiques artistiques à l’abri du succès commercial.
Pagans est un label discographique. Au départ, il servait uniquement à diffuser les productions des membres d’Hart Brut mais assez rapidement nous avons eu des demandes extérieures, parfois d’enregistrements magnifiques qui nous tenaient à cœur et qui, nous le pensons, n’auraient peut être pas trouvés preneur… alors nous avons commencé à ouvrir le catalogue et à produire ou coproduire des artistes assez divers mais tous très engagés dans leur pratique.
D’où est venu cette idée de projet « Va sampler ta grand-mère » et en quoi consiste-t-il?
« Va sampler ta grand mère » est un projet pédagogique et artistique. Avec ARTÚS nous travaillons depuis presque 18 ans sur le « patrimoine culturel immatériel » de notre territoire, c’est ce qui nous donne le point de départ pour imaginer, se projeter et créer à travers l’improvisation et ensuite la composition. L’esthétique du groupe est à cheval entre du « rock in opposition », des musiques dites traditionnelles, des musiques expérimentales… Mais finalement nous aurions pu avoir la même démarche créatrice avec un style hip hop, métal, pop… peu importe, ce qui est original c’est le processus de création autour de la connaissance de son patrimoine culturel, écologique, historique …
Nous proposons donc cette aventure à des groupes de musique actuelle, faire une création de 2 ou 3 morceaux, dans leur esthétique, mais en prenant comme point d’entrée un élément de leur patrimoine.
Nous sommes là pour les aider et/ou pour jouer avec eux. C’est très enrichissant pour eux comme pour nous et les résultats sur plus de 10 ans de projets sont vraiment très surprenants.
Ce projet est réalisé avec plusieurs partenaires de la Nouvelle-Aquitaine et même au-delà (Coopérative de Mai à Clermont-Ferrand). Pourquoi avoir choisi ces partenaires et quel est leur rôle?
On a besoin d’au moins 2 partenaires:
Une structure capable de motiver des groupes à venir participer au projet, donc le plus souvent nous travaillons avec des structures de diffusion de musique actuelle ayant également une activité de répétition (SMAC ou autre).
Une structure ressource qui a de la matière patrimoniale à mettre à disposition en cas de demande particulière. Ce sont le plus souvent des structures d’archivage qui ont une demande de valorisation de leur collecte.
Hart Brut et Pagans sont deux structures qui se distinguent particulièrement en proposant une esthétique hybride entre musiques traditionnelles et plus contemporaines, ce que vous appelez le « Néo-Trad ». Pourquoi avoir choisi de défendre cette ligne éditoriale singulière?
On n’a pas choisi… on rêverait que nos pratiques soient la norme et non des pratiques en marge, d’ailleurs j’ai tendance à dire que c’est le centre qui nous fuit ! Si nous pouvions toucher plus de monde et nous faire plus entendre on aurait encore plus de choses à exprimer et on serait très heureux, mais malheureusement le combat contre la culture de masse est inégal et nous devons nous organiser pour résister et éviter les consensus, la normalisation.
C’est effectivement complexe de définir notre pratique qui est singulière. Pour moi nous ne sommes que rarement des musiciens trad, nous ne faisons pas du néo trad car il n’y a rien de nouveau, nous ne faisons pas de la world music acculturée mondialisée, … le terme le plus adapté est « musique d’essence patrimoniale » qui a été défini par Franck Tenaille, mais il est pompeux et la notion de patrimoine souvent abstraite et « vieillotte » alors sur scène on dit « bonjour on est ARTÚS, on fait du rock ! »
Quel bilan peux-tu déjà tirer du projet « Va sampler ta grand-mère » et comment imagines-tu son avenir?
Très positif, on l’a proposé plus d’une dizaine de fois et à chaque fois ce fût une aventure différente et enrichissante. Je ne compte plus les projets qui sont nés de ça, nouveaux groupes, disques concepts, groupes changeant de direction, musicien se mettant à un instrument trad. ou à chanter dans une langue différente… on est encore en contact avec la plus part des participants et on continue à porter le projet dans toute la France.
Un documentaire est sorti sur le net l’an dernier pour ceux qui voudraient avoir une idée plus précise du projet :
Quel est le premier album de musique que tu as acheté?
Ouf! pas facile… je ne sais vraiment plus!
La première cassette enregistrée que j’ai eu c’était du hard rock très puissant que m’avait donné un grand de mon quartier à Capbreton. Je l’ai considéré comme le Graal absolu pendant plus d’1 ans sans savoir ce que c’était, mes parents ne savaient pas ce que j’écoutais dans mon walkman et j’avais la sensation que je ne pouvais pas leur parler de cette musique qui me bouleversait, que je sentais anticonformiste et peut être même interdite?!?… j’ai su plus tard que c’était « Back in Black » d’AC/DC … j’avais 12 ans.
Quel projet d’une autre structure te fait rêver?
Il y en a plein heureusement!!
Je choisirai cependant le spectacle « HOSPITALITE » de Massimo Furlan, porté par la compagnie « Lagunarte ». Il parle de l’hospitalité aujourd’hui : qu’est-ce qu’accueillir ? Qui est celui qui demande un refuge ? Qu’est-ce que je peux lui offrir ? Qu’est-ce qu’il m’apporte ? Comment est-ce qu’il me change ? Comment je le change ? Tout ça à travers notamment l’identité basque et plus précisément du village de Labastide Clairence.
Une problématique universelle traitée par l’ultra localisme ! Ca me touche.
Peux-tu nous citer ton souvenir le plus marquant dans le milieu musical?
Nigel Eaton avec « Page et Plant » à Toulouse en 1996 qui se pointe tout seul avec sa vielle à roue devant 2000 personnes et qui tabasse en solo pendant 10 mn… Avec mes potes on était venu écouter du rock et finalement ça a changé ma vie : « comment !? On peut faire ça avec l’instrument de mon père !!! Bon ok, je pose ma gratte et je m’y colle… »
Quel est ton dernier coup de cœur musical?
Richard Dawson, notamment l’album « Nothing important! ». Un chef d’œuvre pour moi, je l’écoute sans me lasser depuis 2 ans ! J’ai pas mieux.
Un son à nous faire écouter?
Ben sans faire de communautarisme, je choisirai la prochaine sortie de PAGANS, « L’esprova » de Sourdure
Merci à Romain pour le temps accordé à nos questions